Controverse sur la convergence
A la conférence de branche Presse et médias électroniques,des journalistes qui ont expérimenté les newsrooms – une des formes de la convergence – ont parlé des risques et des chances du regroupement, partout exigé, du journalisme imprimé et internet.
Le paysage médiatique suisse est hanté par le fantôme de la convergence. La fusionnite aiguë fait planer la menace. Non seulement elle fait régner l’insécurité dans les rédactions, mais elle est aussi mise en œuvre très différemment. De sorte qu’on ne sait plus exactement ce que veut dire ce mot entendu de la bouche des différents rédacteurs en chef. Ainsi, la récente fusion de la radio et télévision suisse alémanique SRF – où deux médias (et cultures) électroniques différents ont été contraints à la convergence – a été soumise à des exigences financières totalement différentes de celles appliquées à la fusion du Tages-Anzeiger et de la plateforme en ligne Newsnetz. Laquelle s’avère un exercice d’économies encore plus mal dissimulé. Et il en va tout autrement pour la NZZ, où le journal papier et sa version en ligne essaient depuis mi-juin de tirer parti de leurs avantages respectifs plutôt que de conspirer l’un contre l’autre. Parfois, la convergence porte d’autres noms, plus racés, comme « newsroom ». Ainsi, à Ringier, quatre rédactions doivent collaborer plus étroitement depuis mars 2010 (moment où Ringier a annoncé la suppression de 22 postes plein temps) : Blick, le quotidien, Blick-Online, l’édition en ligne, Blick am Abend, le gratuit du soir et Blick am Sonntag, l’hebdomadaire du dimanche.
Investir au lieu de démanteler
Pour faire face à l’incertitude, le comité Presse et médias électroniques a organisé une rencontre d’échange d’expériences. A sa conférence de branche, il a invité Thomas Benkö, journaliste au Blick am Abend, presque un vieux renard de la newsroom à Ringier. Et Alice Kohli de la NZZ-Online, prête à lutter pour obtenir davantage de reconnaissance pour son métier de jeune journaliste, ainsi que le rédacteur économique du Tages-Anzeiger Romeo Regenass, préoccupé par la convergence au sein du groupe de presse Tamedia. La fusion des rédactions en ligne et imprimées est supposée générer des économies de l’ordre d’un pourcentage à deux chiffres. Les économies qui ne pourront pas être réalisées par une réduction des dépenses dans le domaine des technologies de l’information et du besoin en locaux, seront répercutées sur les coûts du personnel. En d’autres termes : malgré le gel des engagements et les mises à la retraite anticipée, il faut s’attendre à des licenciements. La NZZ montre qu’il peut aussi en aller autrement. Au lieu de démanteler, elle a investi dans les rédactions afin que la qualité des produits issus de la convergence satisfasse aux exigences de qualité de ce journal (et de son lectorat) riche d’une longue tradition.
Travail de coordination conséquent
Thomas Benkö a déclaré que la newsroom du journal Blick avec ses quatre titres est l’une des plus compliquées d’Europe. « Mais nous ne perdons pas le sourire », dit-il. Pratiquement aucun journaliste ne travaille pour plus de deux médias ; les différences entre les médias payants et gratuits sont trop grandes. Et on a certes plus de ressources en personnel, mais aussi un plus grand travail de coordination.
Les changements ont entraîné des turbulences à la newsroom à Ringier, mais aussi à la NZZ où les membres des rédactions imprimées ne sont pas tous prêts à collaborer au même niveau que les journalistes des services en ligne. Un collègue du site 20Minuten.ch a déclaré que l’on ne devrait pas toujours partir de l’idée qu’internet est un réceptacle d’articles imprimés, mais qu’un bon journalisme en ligne est une autre forme de couverture journalistique, pas nécessairement dépourvue de qualité. C’est le cas pour la web TV ou le Live Ticker, l’information en direct lors d’élections ou d’événements sportifs.
Être jeune n’est pas gratifiant
La question du salaire était particulièrement intéressante du point de vue syndical. Même si des efforts sont déployés pour payer les rédactrices et rédacteurs indépendamment du média pour lequel ils écrivent, les différences sont encore considérables. Tous les participant·e·s au débat étaient unanimes pour dire que cela s’explique aussi par le fait que les jeunes journalistes travaillent plutôt dans les nouveaux médias et les journalistes expérimentés, plus âgés et mieux rémunérés, plus souvent pour la presse écrite. Les modèles de newsrooms présentent toutefois des avantages, notamment la conciliation du travail et de la famille : le travail en équipe permet de rentrer à la maison après huit heures de travail – pour les journalistes de recherche chevronnés, dont la journée de travail se termine seulement quand ils peuvent envoyer leurs écrits à l’impression, il s’agit d’un point positif. Mais cela ne change rien au fait que ces avantages ne peuvent être concrétisés que si les mandants admettent qu’il faut du temps à la qualité et que la qualité a un prix – quel que soit le média.