Former les dirigeants
On se dit que dans les carnets de notes des PDG, il manque certains mots. On se dit que leurs carnets sont couverts de chiffres et de rendez-vous mais que jamais ne s’y déploient les mots « adhésion », « mise en commun », « développement du capital intellectuel ». On se dit somme toute que, peut-être, ils n’ont même plus guère de carnets de notes où écrire. Alors d’autres écrivent à leur attention en espérant qu’ils seront lus, et plus encore… entendus. Dans cet ouvrage-ci, les auteurs tentent de réveiller l’idée simple que des connaissances mises en commun sont le moteur d’une réussite managériale. « Au cœur des systèmes émergents de gestion dans des systèmes de plus en plus complexes, l’amélioration des compétences et connaissances devient un élément fondamental de la performance et supplante les traditionnelles structures de contrôle du travail. » (sic) C’est donc, écrivent-ils, l’adhésion « de tous les acteurs de l’entreprise à cette dynamique de développement du capital intellectuel de l’entreprise qui permet à celle-ci de créer et de renforcer son avantage compétitif à long terme ». Les mots que nous avons mis en évidence nous font rêver. En interrogeant la difficulté – voire l’incapacité – qu’ont la plupart des dirigeants à accepter l’idée de devoir se former et remettre en cause leurs acquis, les auteurs de ce livre tracent un diagnostic simple et complexe à la fois : les dirigeants pèchent souvent par orgueil, « blessures narcissiques », manque de recul, par manque d’outils de compréhension et d’appréhension d’une situation, et ces manques conduisent aujourd’hui plus d’une entreprise dans le mur. L’enseignement managérial tente désormais, du moins au sein de certaines écoles, de remettre au cœur de l’entreprise ce que le capitalisme a si ingénieusement éradiqué : l’humain mais aussi l’idée même que les humanités (la poésie, la philosophie…) doivent avoir la part belle dans la formation des dirigeants. On en sourirait presque.
Peut-on former les dirigeants ? L’apport de la recherche Sous la direction de Bernard Moingeon, professeur de management stratégique et directeur général adjoint d’HEC, L’Harmattan, 2003, 306 pp.